Léo Fugazza

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Tag: outrage au tribunal

Nadeau-Dubois c. Morasse: Correction bienvenue d’un tribunal outrageant

Référence: Nadeau-Dubois c. Morasse: Correction bienvenue d’un tribunal outrageant, 2015 OPLF 1


Nadeau-Dubois c. Morasse: Correction bienvenue d’un tribunal outrageant

J’avais publié à l’époque un texte sur la décision de première instance, «Morasse c. Nadeau-Dubois: Un outrage à la justice», mais la Cour d’appel du Québec vient de se prononcer: Gabriel Nadeau-Dubois n’est pas coupable d’outrage au tribunal. Il convient donc de retraiter de la cause, d’autant plus que Jean-François Morasse a déjà annoncé son intention de demander la permission d’en appeler devant la Cour suprême du Canada.

Les faits
La cause est assez simple. Le 12 avril 2012, Jean-François Morasse obtient une injonction provisoire lui permettant de briser la grève étudiante votée par les membres de l’Association des étudiants en arts plastiques de l’Université Laval (ASÉTAP) et d’assister à ses cours.1 Le 2 mai 2012, l’injonction est en quelque sorte prolongée.2 L’ordonnance rendue alors comprend notamment le dispositif suivant:

ORDONNE à l’Université Laval, l’Association des étudiants en arts plastiques ainsi qu’à toute personne informée de la présente ordonnance, de laisser libre accès aux salles de cours de l’Université Laval où sont dispensés les cours menant au certificat en arts plastiques, et ce, afin que ces cours puissent être donnés à l’horaire prévu à la session d’hiver 2012;
ORDONNE à tous les étudiants et autres personnes qui pratiquent présentement le boycottage des cours de s’abstenir d’obstruer ou de nuire à l’accès aux cours par intimidation ou de poser toute action susceptible d’empêcher ou d’affecter négativement l’accès à ces cours;3

Cette ordonnance est en vigueur jusqu’au 14 septembre 2012.4

Dans une entrevue à RDI le 13 mai 2012, Gabriel Nadeau-Dubois, alors porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), se prononce de la manière suivante sur la judiciarisation de la grève étudiante, déclaration sur laquelle Jean-François Morasse tente de le faire condamner pour outrage au tribunal:

Ce qui est clair c’est que ces décisions-là, ces tentatives-là de forcer les retours en classe, ça ne fonctionne jamais parce que les étudiants et les étudiantes qui sont en grève depuis 13 semaines sont solidaires les uns les autres, respectent, de manière générale là, respectent la volonté démocratique qui s’est exprimée à travers le vote de grève et je crois qu’il est tout à fait légitime pour les étudiants et les étudiantes de prendre les moyens pour faire respecter le choix démocratique qui a été fait d’aller en grève. C’est tout à fait regrettable là qu’il y ait vraiment une minorité d’étudiants et d’étudiantes qui utilisent les tribunaux pour contourner la décision collective qui a été prise. Donc nous, on trouve ça tout à fait légitime là, que les gens prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le vote de grève et si ça prend des lignes de piquetage, on croit que c’est un moyen tout à fait légitime de le faire.5

Le 15 mai 2012, Jean-François Morasse introduit des procédures contre Gabriel Nadeau-Dubois. Elles se soldent par la condamnation de Gabriel Nadeau-Dubois pour outrage au tribunal par le juge Denis Jacques de la Cour supérieure le 1er novembre 2013,6 et une peine consistant à «accomplir 120 heures de travaux communautaires, sous la supervision d’un agent de probation ou de toutes autres personnes à être désignées par celui-ci, à la satisfaction de ce dernier, et ce, dans un délai de 6 mois».7

Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438

On peut résumer les motifs du juge Jacques de la manière suivante:

  • Dans un cas comme celui-ci, où il n’y a pas transgression d’ordonnance et que l’accusé n’y est pas directement nommé, il convient d’appliquer l’article 50 du Code de procédure civil et non l’article 761 C.p.c.
  • L’accusé connaissait l’ordonnance dont on l’accuse d’avoir inciter à contrevenir, selon la preuve circonstancielle. Le juge Jacques arrive à la conclusion de la connaissance hors de tout doute raisonnable l’ordonnance en litige à travers une chaîne de raisonnement des plus particulières:
    • Tout d’abord, Gabriel Nadeau-Dubois la connaîtrait parce qu’il était porte-parole de la CLASSE, dont l’ASÉTAP fait partie, et que l’ASÉTAP s’est fait signifié l’ordonnance.8
    • Ensuite, Léo Bureau-Blouin, alors Président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), avait dans sa réponse juste avant celle de Gabriel Nadeau-Dubois mentionné les injonctions dans les CÉGEPs, ce qui apparemment démontrerait la connaissance de Gabriel Nadeau-Dubois de l’injonction spécifique émise dans l’Université Laval et visant l’ASÉTAP.9
    • Il s’appuie de plus sur le fait que Gabriel Nadeau-Dubois mentionne les injonctions dans son intervention, ce qui lui confère apparemment une connaissance de l’ensemble des injonctions décernées au Québec dont celle en cause.10
    • Il affirme que «l’existence de la multitude de véhicules ayant pu conduire à la connaissance de l’ordonnance du juge Émond par la CLASSE et son porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois amène le Tribunal à conclure que la preuve de cette connaissance va au-delà du doute raisonnable.»11
    • Également, le fait que Gabriel Nadeau-Dubois ait retenu les services d’avocates et d’avocats du même bureau que celui dont proviennent les avocates et avocats ayant représenté l’ASÉTAP lors de l’émission de l’ordonnance voudrait dire qu’il devait en avoir connaissance.12
  • La déclaration de l’accusé constitue une incitation à contrevenir à l’ordonnance. Elle constitue également une atteinte à l’autorité et à la dignité du Tribunal. Elle rejoint dont l’actus reus de l’outrage au tribunal. Les motifs du juge Jacques ne contiennent pas d’analyse des paroles prononcées par Gabriel Nadeau-Dubois pour déterminer si elles constituent une incitation à contrevenir à l’ordonnance, ou une atteinte à l’autorité et à la dignité du Tribunal. Le juge Jacques l’affirme simplement:
    • Le juge Jacques affirme que Gabriel Nadeau-Dubois «incite et encourage les auditeurs à empêcher l’accès aux étudiants à leurs cours, voire même par le piquetage, malgré les injonctions, le tout afin de faire respecter le vote tenu par les étudiants favorables au boycottage.»13
    • Il note également que «se disant agir pour le respect de la démocratie, Gabriel Nadeau-Dubois incite au non-respect des ordonnances rendues par les tribunaux» et que «ce faisant, il prône plutôt l’anarchie et encourage la désobéissance civile.»14
    • En fait, selon le juge Jacques, Gabriel Nadeau-Dubois «endosse et rend légitimes la désobéissance civile ainsi que le non-respect des ordonnances des tribunaux»,15 et «avait le droit d’être en désaccord avec les ordonnances rendues, mais pas celui d’inciter quiconque à y contrevenir en empêchant l’accès aux étudiants à leurs cours pour faire respecter le vote de grève.»16 Il note à cet effet que «le désaccord avec la Loi ou avec un ordre de la Cour ne permet pas d’y désobéir, ni d’inciter à le faire.»17
    • Dans son jugement subséquent sur la peine, le juge Jacques note que «le message transmis [par Gabriel Nadeau-Dubois] à ses sympathisants qu’ils peuvent passer outre à une ordonnance de la Cour s’ils estiment avoir une cause qu’ils considèrent légitime, emporte des conséquences graves et va directement à l’encontre d’un des fondements les plus importants de notre démocratie.»18
  • L’intention de Gabriel Nadeau-Dubois était de faire entrave au cours de la justice ou de porter atteinte à l’autorité des tribunaux. Elle rejoint donc la mens rea de l’outrage au tribunal. Le juge Jacques se fonde sur le contexte des déclarations pour arriver à cette conclusion:
    • Le juge Jacques supporte la prétention que Gabriel Nadeau-Dubois aurait l’intention de commettre un outrage au tribunal parce que, contrairement à Léo Bureau-Blouin qui le précède, celui-ci ne porte pas «le message que tous doivent respecter les ordonnances des tribunaux.»19 En cela, il refuse «de soutenir cette règle fondamentale qui repose sur le principe de la primauté du droit, pierre d’assise de notre société libre et démocratique» et «choisi[t] la voie de l’affront et de l’incitation au non-respect des injonctions».20
    • Il considère sinon qu’«il est manifeste que le défendeur a eu l’intention d’inciter les gens à contrevenir aux ordonnances rendues par la Cour, […], et ainsi porter atteinte à l’autorité du Tribunal.»21 C’est «sciemment» que Gabriel Nadeau-Dubois incite «les auditeurs à contrevenir aux ordonnances de la Cour».22
    • Sans que cela fasse partie de ses motifs ici, le juge Jacques notera plus tard dans son jugement sur la peine que «les propos du défendeur tenus le 13 mai 2012 démontrent un état d’esprit bien ancré de banaliser les injonctions prononcées, de ridiculiser ceux qui ont recours aux tribunaux de façon légitime et d’empêcher, malgré les injonctions, l’accès aux locaux aux étudiants qui le désirent, et ce, pour faire respecter un soi-disant vote de grève.»23
  • L’outrage au tribunal ne s’applique pas différemment pour le porte-parole d’une organisation.
    • Ainsi, «Gabriel Nadeau-Dubois ne peut se cacher derrière son rôle de porte-parole de la CLASSE. Il ne peut se déresponsabiliser en affirmant qu’il portait simplement le message du groupe qu’il représentait.»24 Le juge Jacques considère plutôt que «le rôle de porte-parole emporte son lot de responsabilités, parfois encore plus importantes en raison de la fonction exercée».25
    • En fait, il considérera même qu’il s’agit d’un facteur aggravant dans son jugement postérieur sur la peine. Il note alors que «s’il est vrai que le défendeur avait force de symbole et qu’une partie de la population se reconnaît en lui, cela constitue davantage un facteur aggravant dans son incitation à ne pas respecter les ordonnances des tribunaux».26 Ainsi, «le défendeur a banalisé, devant des jeunes sur qui il exerce un fort ascendant, le devoir de chaque citoyen de respecter les ordonnances des tribunaux. Il les a incités à y contrevenir.»27

Rappelons, devant ces motifs quelques peu ténus, que l’article 53.1 C.p.c. prévoit que:

53.1. La preuve offerte relativement à un outrage au tribunal ne doit pas laisser place à un doute raisonnable.
L’intimé ne peut être contraint à témoigner.

Le juge Jacques rappelle à de nombreuse reprises ce fardeau de preuve applicable à l’infraction quasi-pénale d’outrage au tribunal.28 Il semble pourtant par la suite l’ignorer dans son application au cas.

Dans ma critique de la décision de première instance, je me concentrais surtout sur l’analyse de l’actus reus de l’outrage au tribunal dans la présente affaire, soit l’incitation. J’abordais très rapidement la question de la connaissance et de la mens rea. Ainsi, je notais qu’il n’y avait pas selon moi d’actus reus, et donc que l’examen de la mens rea était inutile. J’écrivais alors que «la Cour n’a pas à faire de procès d’intention si aucune infraction n’a été commise, puisqu’elle se doit de faire respecter les principes de la liberté de conscience, de pensée, d’opinion et d’expression enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés. On ne saurait tolérer un procès purement politique.» Sur la question de la preuve de la connaissance l’ordonnance par Gabriel Nadeau-Dubois, je ne partageais pas les conclusions du juge Jacques. Je notais que ce n’était «du moins pas assez pour établir une preuve hors de tout doute raisonnable», mais que «je laisserai[s] d’autres auteurs et les procureurs travaillant sur l’appel de Gabriel Nadeau-Dubois critiquer cette portion du jugement». Visiblement, ils ont réussi avec brio: l’absence de preuve hors de tout doute raisonnable de la connaissance de l’ordonnance par Gabriel Nadeau-Dubois fonde en effet la décision unanime de la Cour d’appel, entre autres motifs.

On fera les remarques suivantes sur ces motifs, avant d’analyser ce qu’en a pensé une Cour d’appel unanime:

  • La distinction entre 50 et 761 C.p.c. n’est pas un point réellement contestable.
    • D’ailleurs, ce point ne sera pas contesté.
    • Gabriel Nadeau-Dubois tente toutefois de soulever comme moyen d’appel le fait que la citation à comparaître portant sur l’accusation d’outrage au tribunal ne visait que 761 C.p.c., question distincte, mais connexe. Le juge Jacques aurait donc commis une erreur en examinant l’article 50 C.p.c. Nous verrons que la Cour d’appel a rejeté cet argument.
  • La chaîne de raisonnement du juge Jacques sur la connaissance par Gabriel Nadeau-Dubois de l’ordonnance en litige est à la limite de l’absurde, et ne rencontre pas le fardeau élevé de preuve hors de tout doute raisonnable.
    • On peut certes prétendre que Gabriel Nadau-Dubois connaissait l’existence d’injonctions, et possiblement même le contenu de certaines d’entre elles, mais rien dans la preuve n’indiquait sa connaissance précise de l’ordonnance en litige.
  • Le juge Jacques entremêle ses motifs de déclarations politiques inhabituelles, voire déplacées dans une cause comme celle-ci. Si cela découle peut-être que l’outrage au tribunal peut dans certains cas être une disposition qui brime certaines idées politiques, notamment la doctrine de la désobéissance civile, elles détonnent tout de même.
    • La présence de ces pointes d’idéologie amène à considérer que les motifs déjà chambranlants du juge Jacques sur la question de la connaissance, de l’actus reus et de la mens rea ne fondent pas sa décision, mais que celle-ci était prise d’avance. Elle ne serait pas mesurée à l’auge du droit, mais à l’auge de l’idée que se fait le juge Jacques de l’État de droit. Notons que cette idée n’est pas nécessairement fondée.
    • La citation par le juge Jacques de l’auteure Céline Gervais «que l’outrage au Tribunal vise à garantir la primauté du droit sur l’arbitraire, l’ordre social sur le chaos»29 sert à établir la trame de fonds de sa penseé. Il cite également ce passage du président des États-Unis John F. Kennedy: «Notre nation repose sur le principe que l’observance de la loi est le rempart éternel de la liberté, et que le défi à la loi est le plus sûr chemin menant à la tyrannie. Les citoyens sont libres d’être en désaccord avec la loi, mais non d’y désobéir. Car dans un gouvernement régi par des lois et non par des hommes, aucun citoyen, quels que soient sa puissance et l’importance de son poste, ni aucun groupement, tout rebelle et indiscipliné qu’il soit, n’a droit de défier une Cour de justice.»30
    • Pour le juge Jacques, «il s’agit là, à n’en pas douter, d’une atteinte grave à l’autorité des tribunaux.»31
    • Ces motifs politiques sont supportés également par certains passages des motifs sur la peine, qui jettent un éclairage sur la pensée du juge Jacques face à l’outrage au tribunal. Il considère ainsi que «le respect des ordonnances des tribunaux est directement attaché à la règle de la primauté du droit et au respect des règles de société qui nous gouvernent»,32 que «le défendeur a outrepassé une règle fondamentale de notre société fondée sur l’état de droit.»33 Sur la position que défend Gabriel Nadeau-Dubois, on notera que le juge Jacques considère qu’ils ne visent qu’à «faire respecter un soi-disant vote de grève.»34
    • Bien entendu, une décision de justice arbitraire ou politique, comme celle-ci peut sembler être, en fait certainement plus pour «porter atteinte à l’autorité ou à la dignité du Tribunal» que les déclarations de Gabriel Nadeau-Dubois qui font l’objet du cas qui nous intéresse.
  • Le juge Jacques ne distingue jamais comment, dans la déclaration de Gabriel Nadeau-Dubois, les termes «je crois qu’il est tout à fait légitime», «on trouve ça tout à fait légitime» et «on croit que c’est un moyen tout à fait légitime», notamment, constitue une incitation.
    • Ce ne sont pourtant que des énoncés affirmatifs d’opinion, et ils ne constituent pas un appel, ni une exhortation exhortation. Il est plus que douteux d’affirmer que le partage d’une opinion constitue un encouragement ou pousse les tiers à agir d’une façon quelconque.
    • C’est ainsi que je notais, après avoir considéré que le fait pour le juge Jacques d’appliquer tacitement un raisonnement circulaire sur la question de la nature de l’incitation, qu’«on ne saurait assimiler une déclaration d’opinion et un appel à agir, encore moins lorsqu’il faut appliquer le critère du doute raisonnable.»
  • Le juge Jacques, plutôt que d’expliquer son raisonnement juridique sur l’intention de Gabriel Nadeau-Dubois, semble encore une fois la poser comme un point admis.
    • Il ne se fonde que sur la comparaison avec Léo Bureau-Blouin, ce qui n’est pas une indication, encore moins hors de tout doute raisonnable, de l’intention de Gabriel Nadeau-Dubois et ne saurait fonder uen quelconque mens rea.
    • Il ne considère pas non plus la question de savoir si l’outrage au tribunal nécessite une intention spécifique ou générale.
  • Le juge Jacques semble vouloir faire un exemple de Gabriel Nadeau-Dubois, ni plus ni moins.

Nadeau-Dubois c. Morasse, 2015 QCCA 78

Suite à la décision de première instance du juge Jacques, il a été mis sur pied une initiative de support et de financement de l’appel de Gabriel Nadeau-Dubois. Son site, appelatous.org, comprend une section appui. Il pourrait désormais y être ajouté une nouvelle entrée, soit «La Cour d’appel du Québec appuie Gabriel Nadeau-Dubois».

Le banc unanime de la Cour d’appel, comprenant la juge Marie-France Bich et le juge Lorne Giroux, sous la plume du juge Jacques Dufresne, est pour le moins incisif à l’égard des motifs du juge Jacques. Son jugement de 79 paragraphes comporte huit fois l’expression «avec égards», qui en droit ne peut mieux traduire le manque de déférence d’un juge face aux motifs d’un autre.

Le juge Dufresne commence par résumer les motifs du juges Jacques,35 citant des pans entiers du raisonnement. Il reprendra également certains éléments des motifs du juge Jacques de manière plus détaillée, et surtout critiquée, à travers le reste du jugement en examinant les questions plus précises en litige. Il réitère d’abord le fardeau de preuve applicable, soit la preuve hors de tout doute raisonnable.36 Il note par contre que «le rejet d’une accusation pour outrage au tribunal n’affaiblit pas l’autorité des tribunaux lorsqu’il permet à la règle de droit de prévaloir.»37 En effet, comme nous le notions plus haut, il ne faudrait pas que la condamnation pour outrage au tribunal porte en soi une atteinte à l’autorité et à la dignité du Tribunal plus grave que celle qui est reprochée à l’accusé.

Le juge Dufresne examine ensuite les moyens d’appel soulevés par Gabriel Nadeau-Dubois:

Il soulève essentiellement trois moyens d’appel. L’appelant considère, dans un premier temps, que le juge a commis une erreur de droit en déplaçant son analyse au-delà de l’objet de la citation à comparaître – soit d’avoir incité à passer outre à l’Ordonnance – pour la faire porter sur la question de déterminer si l’appelant a agi de manière à entraver le cours de la justice ou à porter atteinte à l’autorité des tribunaux. Puis, il soulève, comme deuxième moyen, l’absence de preuve de sa connaissance de l’injonction prononcée le 2 mai 2012 par la Cour supérieure. Enfin, son troisième moyen est l’absence de preuve de l’actus reus, auquel se greffe l’argument portant sur la liberté d’expression. […]38

La Cour d’appel examine tour à tour ces moyens d’appel.

Le juge Dufresne, comme nous le notions plus haut, rejette tout d’abord la prétention que le juge Jacques aurait commis une erreur en considérant 50 C.p.c.39 En effet, Gabriel Nadeau-Dubois devait pour diverses raisons savoir qu’il pourrait y avoir autant 761 que 50 C.p.c. d’appliquer. Argument technique, il ne convient pas de s’y attarder. C’est d’ailleurs le seul point sur lequel la Cour d’appel rebute l’accusé.

Le raisonnement du juge Dufresne tourne principalement sur le point de la preuve hors de tout doute raisonnable: «Le juge conclut que l’intimé a prouvé hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l’outrage au tribunal. Est-ce vraiment le cas?»40 La Cour d’appel estime que non.41

Le juge Dufresne, pour régler le litige, pourrait se limiter à la simple question de la preuve hors de tout doute raisonnable de la connaissance, ou de l’actus reus. Il décide par contre de traiter des deux questions, et donc de trouver par deux fois plutôt qu’une le jugement du juge Jacques erroné.42 Il s’agit là d’une remontrance assez sévère de la part de la Cour d’appel envers le juge Jacques.

Sur la question de la connaissance, dont le juge Dufresne traite en profondeur,43 on notera le passage suivant:

L’intimé devait donc prouver hors de tout doute que l’appelant connaissait l’existence de l’Ordonnance, mais aussi qu’il en connaissait la teneur ou sa portée. Sa seule connaissance du fait que des injonctions avaient été prononcées, ici et là au Québec, à la demande des uns ou des autres, ne permet pas de prouver sa connaissance de l’ordonnance dont il est question dans la citation à comparaître, soit celle du 2 mai. Avec égards, cette preuve exigeante n’a pas été faite.44

Le juge Dufresne critique fortement le juge Jacques, qui semble tirer une inférence négative du fait que Gabriel Nadeau-Dubois ne témoigne pas sur sa connaissance de certaines, mais pas de toutes les injonctions. Or, comme le rappelle le juge Dufresne, «le fardeau de preuve ne pouvait être inversé, ni directement ni indirectement.»45 Il note aussi que la comparaison à laquelle procède le juge Jacques entre les réponses de Léo Bureau-Blouin et de Gabriel Nadeau-Dubois n’est pas probante. Plus précisément, le juge Dufresne explique qu’«à moins de lui prêter des intentions, la réponse de l’appelant n’est, à mon avis, aucunement concluante pour établir la connaissance requise. Rien ne permet d’extrapoler au-delà des mots employés ou des propos tenus par l’un et l’autre. La comparaison de leurs réponses n’est, à vrai dire, d’aucune aide pour découvrir le niveau de connaissance de l’Ordonnance que pouvait posséder l’appelant.»46

Le juge Dufresne rejette également du revers de la main les arguments du juge Jacques quant aux témoins de l’ASÉTAP47 et quant au choix de Gabriel Nadeau-Dubois de son choix d’avocats, rappelant qu’il s’agit d’un droit. Ainsi, «on ne peut, d’aucune façon, voir dans cette coïncidence un quelconque élément pertinent pour renforcer l’idée que l’appelant connaissait l’Ordonnance.»48

Sur la conclusion de connaissance de l’injonction par Gabriel Nadeau-Dubois, le juge Dufresne explique que «l’assise pour cette conclusion est, à mon avis, inexistante.»49

Il continue ensuite son examen des erreurs du juge Jacques en considérant la question de la preuve hors de tout doute raisonnable de l’actus reus. Sur la question de l’actus reus, encore une fois traitée en profondeur par le juge Dufresne,50 on notera les passages suivant:

À n’en point douter, l’appelant exprime haut et fort, pendant l’entrevue télévisée, son désaccord avec la judiciarisation du conflit étudiant, mais sa réponse équivaut-elle hors de tout doute à un encouragement ou une incitation à violer l’Ordonnance? Avec égards, je ne le crois pas.51

À mon avis, à moins d’aller au-delà des mots employés par l’appelant pour répondre à la question de la journaliste et de lui prêter des intentions, par ailleurs, non évidentes, l’incitation est de continuer à « faire respecter le vote de grève et si ça prend des lignes de piquetage, on croit que c’est un moyen tout à fait légitime de le faire ». Si l’appelant encourage vigoureusement la continuation des moyens de pression « pour faire respecter le choix démocratique qui a été fait d’aller en grève », y compris par le piquetage, il n’incite pas pour autant ceux qui adhèrent à ses opinions à violer l’Ordonnance, en faisant obstacle ou en nuisant à l’accès aux cours. Rien ne permet de conclure que les « moyens de pression » dont il parle sont autres choses que des moyens légaux.52

[…]

Avec égards, l’appelant ne prône, par sa réponse à la journaliste, ni l’anarchie ni n’encourage la désobéissance civile. À moins d’une extrapolation déraisonnable des paroles prononcées par l’appelant, on ne peut y déceler la preuve hors de tout doute de la transgression volitive de l’Ordonnance. Selon le juge, cette ordonnance « prohibait d’empêcher ou de nuire à l’accès aux cours, notamment par le piquetage ». Sans doute, même si l’ordonnance ne fait pas spécifiquement référence au piquetage, qui n’est cependant pas interdit, mais on ne peut inférer pour autant que l’encouragement au piquetage, dont parle l’appelant dans sa réponse, va nécessairement au-delà de la manifestation du désaccord des étudiants par le truchement de cette forme d’expression et signifie une incitation à empêcher, par le piquetage, l’accès des étudiants. Il y a là un pas difficile, sinon impossible, à franchir. Le piquetage paisible, faut-il le rappeler, est une forme d’expression servant à dénoncer une situation ou à manifester son désaccord. Avec égards, pour franchir la frontière entre le piquetage légal et celui qui enfreint la loi ou les ordonnances judiciaires, encore faut-il, à moins de prêter des intentions à l’auteur des paroles, que l’appelant l’ait affirmé, ce qui n’est pas le cas, en l’espèce.53
(Soulignements originaux) (Références omises)

Le juge Dufresne aborde également la question de la liberté d’expression. Après avoir noté que «le droit d’exprimer en public ses opinions, si controversées soient-elles, est protégé par l’al. 2b) de la Charte canadienne et l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne»,54 il rappelle que dans les cas d’outrage au tribunal fondé sur «des paroles prononcées en public», «l’exercice d’un droit garanti, en l’occurrence la liberté d’expression, est en cause» et qu’«il importe donc d’être conscient de cette dimension dans l’évaluation des propos tenus pour pallier le risque de paralyser l’exercice de ce droit fondamental ou d’imposer indirectement une certaine forme de censure.»55

Le juge Dufresne conclut donc que «l’actus reus n’a donc pas été prouvé hors de tout doute raisonnable, ce qui emporte une erreur manifeste et déterminante d’appréciation de la preuve et justifie, tout autant que l’absence de preuve de la connaissance de l’Ordonnance, l’intervention de la Cour.»56

La Cour d’appel va donc plus loin que ma critique. Alors que je notais qu’il n’y avait pas preuve que les propos de Gabriel Nadeau-Dubois constituaient de l’incitation, le juge Dufresne note plutôt que même si Gabriel Nadeau-Dubois incite, rien ne prouve qu’il incite à commettre des gestes illégaux ou autrement contrevenir à l’ordonnance en litige.

Il faut le dire, ce jugement de la Cour d’appel est une victoire sur toute la ligne pour Gabriel Nadeau-Dubois, mais surtout pour la règle de droit, soit celle de la preuve hors de tout doute raisonnable en matière quasi-pénale.

Et après?

Dans ma critique de la décision de première instance, je disais ceci:

Ce jugement, c’est l’augmentation du cynisme du public envers nos institutions de justice. C’est l’érosion de la confiance du public envers l’indépendance de la magistrature face au législatif. C’est le désaffranchissement d’une idéologie qui, pour reprendre les termes de Gabriel Nadeau-Dubois, est «tout à fait légitime».

La Cour d’appel corrige le tir, et rétablit la confiance légitime que les justiciables doivent pouvoir placer dans l’institution de la justice si on veut prétendre à un État de droit. En effet, «le rejet d’une accusation pour outrage au tribunal n’affaiblit pas l’autorité des tribunaux lorsqu’il permet à la règle de droit de prévaloir.»57

Malgré cela, est-ce que le dossier est clos? Non.

C’est que ce jugement de la Cour d’appel est également une victoire plus symbolique pour le mouvement étudiant. L’affaire d’outrage au tribunal contre Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE durant la grève étudiante de 2012 et découlant d’un appel contre la judiciarisation du conflit, avait en effet été expressément maintenue par la «loi 78».58 On peut affirmer qu’il s’agit là d’une légitimation des convictions des militantes et militants qui tout comme Gabriel Nadeau-Dubois ont appelé à lutter contre la judiciarisation des relations politiques entre les étudiantes et étudiants, de leurs moyens de pression et de leurs leviers face au gouvernement. Il vient mettre fin, si on peut l’appeler ainsi, au dernier outrage Libéral toujours actif.

La valeur toute symbolique de ce jugement appelle une opposition toute aussi symbolique. La Fondation 1625—qui avait supporté plusieurs demande d’injonctions, lancé un recours collectif contre les établissements d’enseignements pour n’avoir pas empêché la grève (dont les demandeurs se sont depuis désisté) et qui conteste actuellement la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants—supporte Jean-François Morasse, qui est d’ailleurs un de ses associés. L’intelligentsia de droite au Québec, ici représentée par Éric Duhaime et Nathalie Normandeau, ont annoncé la tenue d’un cocktail de financement pour aider Jean-François Morasse à porter sa cause en appel.

J’hésite entre espérer que la Cour suprême autorisera l’appel de Jean-François Morasse et rende un jugement clair qui clora une fois pour toute la question en rappelant l’importance constitutionnelle des droits et libertés fondamentales, tout comme la Cour d’appel l’a fait bien que de manière moins centrale, et espérer qu’elle refusera sa demande pour permission d’en appeler, et ainsi mettre fin à cette saga judiciaire née des représailles d’un individu pour tenter de menacer et de faire cesser un mouvement plus large. Je ne sais pas quelle avenue me semble préférable.

Dans tous les cas, on peut (encore une fois) souhaiter la meilleure des chances à Gabriel Nadeau-Dubois pour la suite des choses.

Ce texte, bien que traitant de questions légales, ne constitue en rien une opinion ou un avis juridique. Si vous avez besoin d’un tel avis ou opinion, veuillez consulter un(e) avocat(e).


1. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 12 à 15.

2. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 20; Nadeau-Dubois c. Morasse, 2015 QCCA 78, par. 14.

3. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 22; Nadeau-Dubois c. Morasse, 2015 QCCA 78, par. 14.

4. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 22; Nadeau-Dubois c. Morasse, 2015 QCCA 78, par. 14.

5. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 24 et 25; Nadeau-Dubois c. Morasse, 2015 QCCA 78, par. 15.

6. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 144; Nadeau-Dubois c. Morasse, 2015 QCCA 78, par. 22.

7. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 6101, par. 74; Nadeau-Dubois c. Morasse, 2015 QCCA 78, par. 22.

8. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 75.

9. Id., par. 77 à 80.

10. Id., par. 81 à 83.

11. Id., par. 88.

12. Id., par. 89.

13. Id., par. 94.

14. Id., par. 95.

15. Id., par. 101.

16. Id., par. 103.

17. Id., par. 102.

18. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 6101, par. 39.

19. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 107.

20. Id., par. 108.

21. Id., par. 106.

22. Id., par. 112.

23. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 6101, par. 49.

24. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 110.

25. Id., par. 111.

26. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 6101, par. 36.

27. Id., par. 39.

28. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438, par. 48, 49, 50, 67 et 73.

29. Id., par. 35.

30. Id., par. 36.

31. Id., par. 109.

32. Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 6101, par. 30.

33. Id., par. 65.

34. Id., par. 49.

35. Nadeau-Dubois c. Morasse, 2015 QCCA 78, par. 24 à 28.

36. Id.,  par. 30 à 40.

37. Id.,  par. 41.

38. Id.,  par. 43.

39. Id.,  par. 44.

40. Id.,  par. 45.

41. Id.,  par. 46.

42. Id.,  par. 47, 64 et 66.

43. Id.,  par. 48 à 64.

44. Id.,  par. 50.

45. Id.,  par. 57.

46. Id.,  par. 59.

47. Id.,  par. 61.

48. Id.,  par. 62.

49. Id.,  par. 60.

50. Id.,  par. 65 à 78.

51. Id.,  par. 70.

52. Id.,  par. 71.

53. Id.,  par. 77.

54. Id.,  par. 74.

55. Id.,  par. 76.

56. Id.,  par. 78.

57. Id.,  par. 41.

58. Projet de loi 78, puis Loi 12, Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu’ils fréquentent, L.Q. 2012, c. 12.

Journal l’Obiter – Morasse c. Nadeau-Dubois: Un outrage à la justice

Ce texte est originellement paru dans le Journal L’Obiter du 30 novembre 2012, et est une version courte de Morasse c. Nadeau-Dubois: Un outrage à la justice.
Je tiens à remercier Alexandre GagnéJérémy Boulanger-Bonnelly et Michaël Lessard pour leurs corrections et commentaires sur le texte original.

Morasse c. Nadeau-Dubois: Un outrage à la justice

De la société de droit
Nous vivons dans un État de droit, dans une société de droit, consacré par la Loi constitutionnelle de 1982 ainsi que par la Charte canadienne des droits et libertés qu’elle contient. Cette société est fondée sur la primauté du droit et reconnaît que « [c]hacun a les libertés fondamentales suivantes : a) liberté de conscience et de religion; b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication; c) liberté de réunion pacifique; d) liberté d’association ».

Ainsi, la société de droit sert principalement à encadrer la société de liberté pour garantir les droits et libertés de tous. La société de droit en est donc réellement une de justice. En ce sens, la magistrature se doit d’être indépendante des pouvoirs politiques, les décisions de celles-ci devant être respectées, mais également et surtout reconnues comme légitimes par la population. C’est ainsi, dans sa version large, dans une vision holistique, que le système juridico-politique de l’État de droit doit être compris.

Mais de temps à autre, il y a des cas qui viennent remettre en question tous ces principes. Ils nous amènent à nous questionner sur l’indépendance de notre magistrature par rapport à la sphère politique, sur les garanties que nous offre véritablement notre système de droit quant à nos droits et libertés et sur la société de droit comme société de justice.

Le cas de Jean-François Morasse contre Gabriel Nadeau-Dubois est un de ces cas.

Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438

En apparence, il s’agit d’un cas presque banal. A obtient une injonction. B partage ses opinions politiques dans les médias. A dépose une requête en outrage au tribunal contre B. Rien de plus simple.

Non, en fait. Ce n’est en rien banal et en aucun cas simple.

Dans une véritable société de droit, donc une société de justice, on ne poursuit pas quelqu’un parce qu’il entretient ou partage une idéologie. Le gouvernement ne poursuit pas Pierre-Joseph Proudhon. Le magistrat ne poursuit pas Henry David Thoreau. Jean-François Morasse ne poursuit pas Gabriel Nadeau-Dubois.

Dans une société de droit qui reconnait la liberté d’association et de réunion pacifique, le carré vert et le carré rouge débattent, ils se font une joute verbale dans l’arène politique de leur assemblée générale, ou de leur référendum, et ils acceptent la défaite comme étant légitime, car née de la démocratie.

Dans une société de justice, le carré vert et le carré rouge ne demandent pas d’injonctions l’un contre l’autre.

Dans une société de droit qui reconnait la liberté de conscience, de pensée, d’opinion et d’expression, le carré vert et le carré rouge tentent de convaincre le public de la légitimité de leurs actions, tentent de rallier du soutien pour leurs positions respectives, et ce, sans tenter d’entraver les efforts similaires de l’autre partie.

Dans une société de justice, le carré vert et le carré rouge ne poursuivent pas en outrage au tribunal l’adversaire pour avoir exprimé une opinion.

Ce jugement n’est pas une victoire de l’État de droit, comme certains aiment à se leurrer. Ce n’est pas la victoire de la justice contre « l’anarchie » et « la désobéissance civile »1. Ce jugement, c’est plutôt le produit malheureux de la judiciarisation d’un processus politique.

Ce jugement, c’est l’augmentation du cynisme du public envers nos institutions de justice. C’est l’érosion de la confiance du public envers l’indépendance de la magistrature face au législatif. C’est le « désaffranchissement » d’une idéologie qui, pour reprendre les termes de Gabriel Nadeau-Dubois, est « tout à fait légitime ».

L’affaire Morasse c. Nadeau-Dubois n’est pas compatible avec une vision holistique de la société de droit, telle qu’elle devrait être conçue. Elle comporte des erreurs logiques graves qui contribuent encore à marginaliser sa pertinence, minant la portée et la légitimité même de l’État de droit. Cela pourrait créer un dangereux précédent.

1 + 1 = 3, ou la théorie de l’erreur

Le juge Denis Jacques, dans son appréciation des faits, a commis une erreur flagrante et ses conclusions s’en trouvent donc faussées.

Les deux premières questions en litige, bien que fort intéressantes en soi, ne contribuent que peu à mon évaluation du développement logique des motifs du juge Jacques. Ainsi, je laisserai d’autres auteurs et les procureurs travaillant sur l’appel de Gabriel Nadeau-Dubois critiquer cette portion du jugement, me contentant d’évaluer les troisième et quatrième questions. Il est bon de les rappeler :

[51] Les questions en litige dans la présente affaire sont les suivantes :
[…]
3. Est-ce que, par sa déclaration, monsieur Gabriel Nadeau-Dubois incite à contrevenir à l’ordonnance rendue par le juge Émond et agit-il de manière à entraver le cours normal de l’administration de la justice ou à porter atteinte à l’autorité ou à la dignité du Tribunal ?

4. Est-ce que monsieur Gabriel Nadeau-Dubois avait alors l’intention de faire entrave au cours de la justice ou de porter atteinte à l’autorité des tribunaux ?

Les questions trois et quatre doivent être prises en bloc puisqu’une réponse négative à la première rend la seconde superflue. En effet, si ses propos ne constituent pas une incitation, et donc ne constituent pas une atteinte à l’autorité des tribunaux, on ne saurait évaluer son intention d’inciter. La cour n’a pas à faire de procès d’intention si aucune infraction n’a été commise puisqu’elle se doit de faire respecter les principes de la liberté de conscience, de pensée, d’opinion et d’expression enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés. On ne saurait tolérer un procès purement politique.

Ainsi, comme le rappelle le juge, « [l]e désaccord avec la Loi ou avec un ordre de la Cour ne permet pas d’y désobéir, ni d’inciter à le faire »2. Personne à ma connaissance ne remet ceci en question, y compris les adeptes de la désobéissance civile. Si outrage il y a réellement eu, il doit en effet être condamné. Or, il faudrait encore que la preuve démontre qu’il y a bien eu incitation à faire. Sinon, on ne saurait trouver Gabriel Nadeau-Dubois coupable d’outrage au tribunal.

Est-ce que ces propos constituent une incitation à contrevenir à l’ordonnance obtenue par Jean-François Morasse : « Donc nous, on trouve ça tout à fait légitime là, que les gens prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le vote de grève et si ça prend des lignes de piquetage, on croit que c’est un moyen tout à fait légitime de le faire »3?

Selon le juge Denis Jacques, oui. Il y a, selon lui, incitation puisque Gabriel Nadeau-Dubois… incite à contrevenir à l’ordonnance rendue4. Il se borne de plus à déclarer que considérer qu’une chose est légitime est rendre ladite chose légitime et constitue donc également une incitation5.

Si ça paraît être un raisonnement circulaire, c’est parce que c’en est un. On ne peut conclure en se basant sur sa conclusion. C’est un non-sens logique. Alors que le point en litige porte justement sur les propos tenus par Gabriel Nadeau-Dubois, le juge n’aborde tout simplement pas la question, pourtant fondamentale, des mots « on trouve » et « on croit ». Toute l’affaire repose pourtant sur cette notion. Constituent-ils une incitation ?

La réponse devrait être un « non » catégorique, préservant les libertés garanties à tous par la Charte canadienne des droits et libertés et rendant superflue la quatrième question en litige. Sans infraction, il ne saurait y avoir de mens rea. Sans incitation, il ne saurait y avoir infraction.

Le juge Denis Jacques, quant à lui, n’y répond pas. On peut par contre inférer de son silence, à la lecture de l’ensemble du jugement, qu’il lui donne tacitement une réponse affirmative.

En cela, le juge Denis Jacques erre en logique et probablement également en droit. On ne saurait assimiler une déclaration d’opinion et un appel à agir.

Pas dans une véritable société de droit.

Ce texte, bien que traitant de questions légales, ne constitue en rien une opinion ou un avis juridique. Si vous avez besoin d’un tel avis ou opinion, veuillez consulter un(e) avocat(e).


2. Id, par. 102.

3. Id, par. 25.

4. Id, par. 94.

5. Id, par. 98.

Obiter

Morasse c. Nadeau-Dubois: Un outrage à la justice

Référence: Morasse c. Nadeau-Dubois: Un outrage à la justice, 2012 OPLF 1


Une version courte de ce texte a été publiée dans le Journal L’Obiter. Elle fait l’objet de son propre billet sur ce blog.
Je tiens également à remercier Alexandre GagnéJérémy Boulanger-Bonnelly et Michaël Lessard pour leurs corrections et commentaires.

Morasse c. Nadeau-Dubois: Un outrage à la justice

De la société de droit
Un des principes fondamentaux de notre système juridico-politique est celui de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Tout comme il a fallu séparer l’Église du Parlement, il a fallu séparer le Parlement de la Cour. C’est un principe qui va aujourd’hui de soi, mais qui a pourtant été durement gagné. On doit beaucoup au Act of Settlement de 17011 et aux différents actes d’indépendance de la magistrature du Canada et du Québec2, ainsi qu’à leurs autres consœurs philosophiques adoptées par les diverses législatures du monde démocratique moderne.

La lutte pour une magistrature indépendante et libre de toute pression politique a été longue. Encore aujourd’hui, des voix s’élèvent pour dénoncer certaines nominations partisanes. Il nous faut tout de même reconnaître que, dans la très grande majorité des cas, les influences externes sur notre système de justice ont été éliminées ou minimisées autant que possible.

La séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire prend son assise dans la société de droit, annoncée en Angleterre impériale par le Bill of Rights de 16893 et aujourd’hui consacrée au Canada par la Loi constitutionnelle de 19824 ainsi que par la Charte canadienne des droits et libertés5 qu’elle contient. Cette société est fondée sur la primauté du droit6 et reconnaît que:

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

a) liberté de conscience et de religion;
b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
c) liberté de réunion pacifique;
d) liberté d’association.

Ainsi, la société de droit sert principalement à encadrer la société de liberté, pour garantir les droits et libertés de tous. La société de droit en est donc plutôt une de justice. C’est ainsi, dans sa version large, dans une vision holistique, que le système juridico-politique de l’État de droit doit être compris.

Mais de temps à autre, il y a des cas qui viennent remettre en question tous ces principes pourtant fondamentaux. Ils nous amènent à nous questionner sur l’indépendance de notre magistrature par rapport à la sphère politique, sur les garanties que nous offre véritablement notre système de droit quant à nos droits et libertés et sur la société de droit comme société de justice.

Le cas de Jean-François Morasse contre Gabriel Nadeau-Dubois est un de ces cas.

Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438
En apparence, il s’agit d’un cas presque banal. A obtient une injonction. B partage ses opinions politiques dans les médias. A dépose une requête en outrage au tribunal contre B. Rien de plus simple.

Non, en fait. Ce n’est en rien banal, et en aucun cas simple.

Dans une véritable société de droit, donc une société de justice, on ne poursuit pas quelqu’un parce qu’il entretient ou partage une idéologie. Le gouvernement ne poursuit pas Pierre-Joseph Proudhon. Le magistrat ne poursuit pas Henry David Thoreau. Jean-François Morasse ne poursuit pas Gabriel Nadeau-Dubois.

Dans une société de droit qui reconnait la liberté d’association et de réunion pacifique, le carré vert et le carré rouge débattent, ils se font une joute verbale dans l’arène politique de leur assemblée générale, ou de leur référendum, et ils acceptent la défaite comme étant légitime car née de la démocratie.
Dans une société de justice, le carré vert et le carré rouge ne demandent pas d’injonctions l’un contre l’autre.

Dans une société de droit qui reconnait la liberté de conscience, de pensée, d’opinion et d’expression, le carré vert et le carré rouge tentent de convaincre le public de la légitimité de leurs actions, tentent de rallier du support à leurs positions respectives, et ce, sans tenter d’entraver les efforts similaires de l’autre partie.
Dans une société de justice, le carré vert et le carré rouge ne poursuivent pas en outrage au tribunal l’adversaire pour avoir exprimé une opinion.

Ce jugement n’est pas une victoire de l’état de droit, comme certains aiment à se leurrer. Ce n’est pas la victoire de la justice contre «l’anarchie» et «la désobéissance civile»7. Ce jugement, c’est plutôt le produit malheureux d’une judiciarisation d’un processus politique.

Ce jugement, c’est l’augmentation du cynisme du public envers nos institutions de justice. C’est l’érosion de la confiance du public envers l’indépendance de la magistrature face au législatif. C’est le désaffranchissement d’une idéologie qui, pour reprendre les termes de Gabriel Nadeau-Dubois, est «tout à fait légitime».

L’affaire Morasse c. Nadeau-Dubois n’est pas compatible avec une vision holistique de la société de droit, telle qu’elle devrait être conçue.

Une vendetta Libérale, ou la théorie de la conspiration
N’empêche, l’affaire Morasse c. Nadeau-Dubois a tout de même été jugée. Une affaire politique a été judiciarisée avec l’obtention par Jean-François Morasse d’une injonction8, et ensuite par la poursuite pour outrage au tribunal qui nous intéresse.

Dans ce contexte, il est inévitable que des théories politiques tentent d’expliquer le jugement. Elles sont selon moi superflues dans la plupart des cas, le juge Denis Jacques ayant de manière assez précise expliqué ses biais politique dans le jugement lui-même. Les théories politiques externes n’aident donc en rien à établir une évaluation juste des motifs et des conclusions du juge, et ceux-ci doivent plutôt être pris dans leur ensemble comme étant cohérents en soi.

Je tiens à préciser que je ne crois pas que ce sont les affiliations politiques du juge Denis Jacques qui devraient nous pousser à questionner son jugement. Oui, c’est un doute légitime, mais il nous faut présumer de sa bonne foi. Je laisserai ces théories de la conspiration, du complot à d’autres. Il n’y a pas lieu d’aller aussi loin.

Tout d’abord, Denis Jacques est un juge de la Cour supérieure et n’est donc pas nommé par le gouvernement provincial, mais bien par le gouvernement fédéral. Une citation d’André Noël, correcte mais trop souvent décontextualisée, doit aussi être précisée: «Nommé à la Cour supérieure en 2004, Denis Jacques était pressenti pour être candidat libéral dans Québec aux élections de 2004. Il était alors conseiller juridique pour les libéraux de cette circonscription.»9 L’auteur fait ici référence aux Libéraux du Parti Libéral du Canada et non pas de celui du Québec (ce qui soulève toute une autre série de questions, mais sans rapport avec l’affaire qui nous préoccupe ici.) Enfin, il se peut que le juge Denis Jacques soit, comme il se peut qu’il ne soit pas, le Denis Jacques qui est un généreux donateur annuel du PLQ selon les archives des dons aux partis politiques du Directeur général des élections du Québec. Je présumerai que, qu’il le soit ou non, cela n’a pas eu d’impact appréciable sur son jugement. C’est pour le mieux.

Partons donc du principe que l’affiliation politique du juge Denis Jacques n’a pas eu d’influence sur son jugement. Il n’en reste pas moins que celui-ci erre en droit, sinon au moins dans son application du processus déductif et inductif propre à la logique.

1 + 1 = 3, ou la théorie de l’erreur
Ayant rejeté la théorie du complot libéral, il me faut adopter la théorie de l’erreur. Le juge Denis Jacques, dans son appréciation des faits, a commis une erreur flagrante et ses conclusions s’en trouvent faussées.

Il est bon de rappeler les questions en litige:

[51] Les questions en litige dans la présente affaire sont les suivantes :

1. Est-ce que monsieur Gabriel Nadeau-Dubois est directement visé par l’ordonnance rendue par le juge Émond?
2. Est-ce que monsieur Gabriel Nadeau-Dubois connaît l’ordonnance rendue en faveur de monsieur Morasse lorsqu’il fait publiquement sa déclaration sur les ondes du réseau RDI le 13 mai 2012?
3. Est-ce que, par sa déclaration, monsieur Gabriel Nadeau-Dubois incite à contrevenir à l’ordonnance rendue par le juge Émond et agit-il de manière à entraver le cours normal de l’administration de la justice ou à porter atteinte à l’autorité ou à la dignité du Tribunal?
4. Est-ce que monsieur Gabriel Nadeau-Dubois avait alors l’intention de faire entrave au cours de la justice ou de porter atteinte à l’autorité des tribunaux?

Les deux premières questions, bien que fort intéressantes en soi, ne contribuent que peu à l’évaluation du développement logique des motifs du juge Jacques. Passons-les donc rapidement.

Je me range à sa conclusion négative10 quant à la première question, à savoir que c’est l’article 50 du Code de procédure civile et non pas l’article 761 de ce même Code qui doit être appliqué.

Je ne partage pas ses conclusions11 quant à la seconde question, du moins pas assez pour établir une preuve hors de tout doute raisonnable. Mais, n’étant pas du ressort de mon argument, je n’en traiterai pas en plus amples détails. Que Gabriel Nadeau-Dubois connaissait ou pas l’injonction obtenue par Jean-François Morasse, hors de tout doute raisonnable ou pas, n’affecte en rien ma critique du cheminement logique du juge. Ainsi, je laisserai d’autres auteurs et les procureurs travaillant sur l’appel de Gabriel Nadeau-Dubois critiquer cette portion du jugement, me contentant d’évaluer les troisième et quatrième questions.

Ainsi, comme le rappelle le juge, «le désaccord avec la Loi ou avec un ordre de la Cour ne permet pas d’y désobéir, ni d’inciter à le faire.»12 C’est une interprétation selon moi assez large, l’incitation à désobéir à un ordre de la Cour ne constituant pas intrinsèquement une atteinte à l’autorité ou à la dignité du tribunal tel que prévu à l’article 50 du Code de procédure civil, mais soit. Admettons que l’on puisse établir que toute incitation à désobéir constitue en soi une telle atteinte, pour les fins de l’évaluation qui nous préoccupe.

Il n’empêche que l’outrage peut effectivement entraîner une peine. Personne à ma connaissance ne remet ceci en question, y compris les adeptes de la désobéissance civile. Si outrage il y a réellement eu, il doit en effet être condamné. Or, il faudrait encore que la preuve démontre qu’il y a bien eu outrage et donc, en admettant l’interprétation du juge Denis Jacques, incitation à faire. Sinon, on ne saurait trouver Gabriel Nadeau-Dubois coupable d’outrage au tribunal sous l’article 50 du C.p.c.

Les questions trois et quatre doivent selon moi être prises en bloc, puisqu’une réponse négative à la première rend la seconde superflue. En effet, si ses propos ne constituent pas une incitation, et donc ne constituent pas une atteinte à l’autorité des tribunaux, on ne saurait évaluer son intention d’inciter. La Cour n’a pas à faire de procès d’intention si aucune infraction n’a été commise, puisqu’elle se doit de faire respecter les principes de la liberté de conscience, de pensée, d’opinion et d’expression enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés. On ne saurait tolérer un procès purement politique.

Donc, «est-ce que, par sa déclaration, monsieur Gabriel Nadeau-Dubois incite à contrevenir à l’ordonnance rendue par le juge Émond et agit-il de manière à entraver le cours normal de l’administration de la justice ou à porter atteinte à l’autorité ou à la dignité du Tribunal»? Selon le juge Denis Jacques, oui.

Il y a selon lui incitation, puisque Gabriel Nadeau-Dubois… Incite à contrevenir à l’ordonnance rendue.13 Il se borne de plus à déclarer que considérer qu’une chose est légitime est rendre la dite chose légitime et constitue donc également une incitation.14

Si ça paraît être un raisonnement circulaire, c’est parce que c’en est un. On ne peut conclure en se basant sur sa conclusion. C’est un non-sens logique.

Alors que le point en litige porte justement sur les propos tenus par Gabriel Nadeau-Dubois, tels que rapportés au paragraphe 25 du jugement, le juge n’aborde tout simplement pas la question, pourtant fondamentale, des mots «on trouve» et «on croit». Toute l’affaire repose pourtant sur cette notion.

«Donc nous, on trouve ça tout à fait légitime là, que les gens prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le vote de grève et si ça prend des lignes de piquetage, on croit que c’est un moyen tout à fait légitime de le faire.»15

Est-ce que ces propos constituent une incitation à contrevenir à l’ordonnance obtenue par Jean-François Morasse?

La réponse devrait être un «non» catégorique, préservant les libertés garanties à tous par la Charte canadienne des droits et libertés et rendant superflue la quatrième question en litige. Sans infraction, il ne saurait y avoir de mens rea. Sans incitation, il ne saurait y avoir infraction. Même si ses propos avaient été plus ambigus, ce qu’ils ne sont pas, le critère du doute raisonnable qui doit être appliqué dans les cas quasi-pénaux, comme l’outrage au tribunal, devrait tout de même nous faire errer du côté de la prudence et également répondre non.

Le juge Denis Jacques, quant à lui, n’y répond pas. On peut par contre inférer de son silence, à la lecture de l’ensemble du jugement, qu’il lui donne tacitement une réponse affirmative.

En cela, le juge Denis Jacques erre en logique, et probablement également en droit. On ne saurait assimiler une déclaration d’opinion et un appel à agir, encore moins lorsqu’il faut appliquer le critère du doute raisonnable.

Pas dans une véritable société de droit.

Ce texte, bien que traitant de questions légales, ne constitue en rien une opinion ou un avis juridique. Si vous avez besoin d’un tel avis ou opinion, veuillez consulter un(e) avocat(e).

P.-S.: Ce texte a été écrit avant que la peine de Gabriel Nadeau-Dubois n’ait été annoncée, ayant été mise en délibéré. Il s’expose à une peine de prison, des heures de travaux communautaires ou bien une amende.
Je tiens à souhaiter la meilleure des chances à Gabriel Nadeau-Dubois et ses procureurs dans leur appel de ce jugement. Si vous souhaiter y contribuer, vous pouvez consulter leur site appelatous.org.

EDIT: 2012/12/05 – Le jugement qui énonce la peine de Gabriel Nadeau-Dubois a été prononcé aujourd’hui. Il est condamné à «accomplir 120 heures de travaux communautaires, sous la supervision d’un agent de probation ou de toutes autres personnes à être désignées par celui-ci, à la satisfaction de ce dernier, et ce, dans un délai de 6 mois». Rappelons que l’audience de son appel se tiendra le 22 janvier 2013.


1. An Act for the further Limitation of the Crown and better securing the Rights and Liberties of the Subject, 12-13 Gul. III, c. 2, art. III (1701).

“That no Person who has an Office or Place of Profit under the King or recieves a Pention from the Crown shall be capable of serving as a Member of the House of Commons.”

2. Un Acte pour rendre les juges inhabiles à siéger dans la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada, 51 Geo. III, c. IV (1811).
Acte pour rendre indépendants de la Couronne, les Juges des Cours du Banc du Roi de la partie de cette Province, ci-devant le Bas-Canada, S.C., 7 Vict., c. 15 (1843).
Loi constitutionelle de 1867, 30 & 31 Vict., c. 3 (R.-U.), art. 99.

6. Ainsi que la suprématie de Dieu, mais ce point est inappliqué sinon inapplicable de nos jours.

9. André Noël, «Nominations des juges – Des magistrates au passé libéral», La Presse (29 avril 2005).

11. Id, par. 91.

12. Id, par. 102.

13. Id, par. 94.

14. Id, par. 98.

15. Id, par. 25.